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Interdiction de la distribution de repas aux migrants dans le centre-ville de Calais : pas d’urgence à suspendre l’arrêté préfectoral

Public - Droit public général
30/09/2020
Dans une ordonnance du 25 septembre 2020, le Conseil d’État, saisi dans le cadre d’un référé-liberté, confirme l’absence d’urgence à ordonner la suspension de l’arrêté préfectoral interdisant aux associations de distribuer de la nourriture aux migrants dans certaines zones du centre-ville de Calais.
Neuf associations, une fondation et deux syndicats ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’arrêté du 10 septembre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a interdit toute distribution gratuite de boissons et de denrées alimentaires dans certains lieux du centre-ville de la commune de Calais, en prévention des risques sanitaires liés à la Covid-19 et de troubles à l’ordre public, pour la période comprise entre le 11 et le 30 septembre 2020. À la suite du rejet de leur requête par le tribunal administratif, les requérants ont relevé appel de cette décision devant le Conseil d’État.
 
Le cadre d’intervention du juge des référés

La Haute juridiction rappelle le cadre d’intervention et les pouvoirs du juge des référés.

Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ». L’article L. 521-2 de ce même code prévoit que « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Enfin, conformément à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience.
 
Une condition d’urgence non satisfaite

Le Conseil d’État rappelle au préalable qu’une atteinte avérée à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, n’est pas « de nature à caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés » dans le délai de 48 heures. Il appartient au juge des référés d’apprécier au vu des éléments soumis par le requérant, en prenant en compte sa situation, les intérêts qu’il défend et l’intérêt public si cette condition d’urgence est satisfaite.

Les requérants soutiennent que l’arrêté préfectoral porte une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité de la personne humaine, à la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire découlant du principe de fraternité, à la liberté d’aller et de venir, à la liberté de réunion et à la liberté d’association.

La Haute juridiction observe que l’État a mis en place, suite à une injonction prononcée par le tribunal administratif en 2017, des points d’eau ainsi que des toilettes et procède, par l’intermédiaire, d’une association, à des distributions de boissons et de nourriture. L’action de cette association apparait suffisante et adaptée. En outre, il relève que les migrants installés dans le centre-ville ont accès aux distributions de boissons et de nourritures réalisées sur d’autres sites. Enfin, l’interdiction contestée ne prive pas les associations de « la possibilité d’exercer leur mission d’assistance aux plus démunis dès lors qu’elles conservent la faculté de réaliser gratuitement des distributions dans tout le reste du territoire communal, y compris à proximité immédiate du périmètre couvert par l’arrêté ». Toutefois, la Haute juridiction rappelle fermement que la liste des lieux annexée à l’arrêté possède un caractère strictement limitatif : les distributions ne peuvent ainsi être perturbées par une application de l’arrêté par les forces de police allant au-delà du périmètre défini.

Dans ces conditions, sans se prononcer sur le caractère justifié et proportionné de l’interdiction, le juge des référés du Conseil d’État estime l’absence d’urgence à ordonner dans le délai de 48 heures la suspension de l’arrêté préfectoral. La requête est ainsi rejetée.
 
Source : Actualités du droit