Retour aux articles

Marché signé malgré un référé précontractuel : utiles précisions du Conseil d’État

Public - Droit public des affaires
02/06/2020
Dans un arrêt rendu le 27 mai 2020, le Conseil d’État a jugé qu’une offre anormalement basse assimilable à une offre irrégulière n’empêche pas le candidat évincé de former un recours précontractuel. Il a également affirmé l’obligation pour le juge du référé contractuel de sanctionner le manquement à l’obligation de suspension de la signature du contrat induite par le référé précontractuel.
En l’espèce, un marché public avait été passé après la notification au pouvoir adjudicateur du référé précontractuel exercé par un candidat évincé. L’occasion pour le Conseil d’État d’apporter plusieurs précisions sur les procédures des référés précontractuel et contractuel.
 
Pour rappel, conformément à l’article L. 551-4 du code de justice administrative, l’introduction d’un référé précontractuel devant le juge administratif entraîne l’impossibilité pour l’acheteur et l’attributaire de signer le contrat.
 
Le Conseil d’État rappelle dans cette décision que le juge du référé contractuel saisi d’une requête est tenu de sanctionner une telle méconnaissance de l’effet suspensif induit par le référé précontractuel, soit par une annulation ou résiliation du contrat, soit par le prononcé d’une pénalité financière ou d’une réduction de la durée du contrat.
 
Sur ce point, l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif est annulée en tant qu'il avait omis de prononcer l'une de ces sanctions, prévues par l'article L. 551-20 du code de justice administrative. Il est ainsi clairement affirmé que dans de telles circonstances, le juge ne doit pas se borner à rejeter la requête, mais se trouve bien dans l’obligation de prononcer des sanctions : « alors même qu'il avait rejeté les conclusions de la société Clean Building présentées sur le fondement de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge du référé contractuel du tribunal administratif était tenu de prononcer l'une des sanctions prévues à l'article L. 551-20 du même code. En s'abstenant de prononcer l'une d'entre elles, il a commis une erreur de droit ».
 
Le Conseil d’État rappelle par ailleurs dans sa décision que le délai de suspension commence à courir dès la réception de la notification du référé précontractuel, et non pas à la prise de connaissance effective de ce recours par l’acheteur : « la circonstance que la notification ait été faite en dehors des horaires d'ouverture de ce service est dépourvue d'incidence, le délai de suspension courant à compter non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite » (à ce sujet, voir notamment CE, 17 oct. 2016, n° 400791, Min. de la Défense ; sur cet arrêt, lire Recours en référé et dématérialisation : les acheteurs appelés à la vigilance sur les délais Télérecours, Actualités du droit, 2 nov. 2016 et voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, n° 4999).
 
Autre point important, la Haute juridiction énonce que « la circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige. Tel est notamment le cas lorsqu'une offre peut être assimilée, par le juge des référés dans le cadre de son office, à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas ».
 
Le juge des référés qui avait estimé que « la société requérante ne pouvait pas utilement se prévaloir de cette irrégularité au motif que sa propre offre pour ce lot était également irrégulière » a donc commis une erreur de droit.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements détaillés au sujet du référé précontractuel, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 4962 et suivants.
Sur le délai de stand still, voir le n° 2325.
Sur la nature des pouvoirs du juge du référé précontractuel, voir le n° 4978.
 
Source : Actualités du droit