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Covid-19 : le Conseil d’État enjoint au Gouvernement d’informer sur l’usage autorisé de la bicyclette pour se déplacer

Public - Droit public général
05/05/2020
Dans une ordonnance rendue le 30 avril, le Conseil d’État ordonne au Premier ministre d’indiquer publiquement et largement la position du Gouvernement relative à l’usage de la bicyclette lors des déplacements autorisés durant le confinement.
Dans le cadre d’un recours en référé-liberté formé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la Fédération française des usagers de la bicyclette demandait notamment à la Haute juridiction d’enjoindre :

– au Gouvernement de publier un communiqué autorisant expressément l’utilisation du vélo pour tous les motifs de déplacement indiqués dans l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
– aux préfets de rouvrir les pistes cyclables fermées sans nécessité stricte et de mettre en œuvre des mesures permettant la continuité cyclable ;
– au ministère public de cesser de poursuivre les verbalisations ayant pour motif l’usage du vélo.

La requête était fondée sur une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et de venir et au droit de chacun au respect de sa vie personnelle.
 
Une communication contradictoire
 
L’article 3 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, interdit, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile, à l'exception de certains déplacements. Au nombre de ceux-ci figurent notamment, au 5° de cet article, les « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ».
 
Au cours de l’audience publique, le représentant du ministre de l’Intérieur précise que conformément à cet article « ne sont réglementés que les motifs de déplacement et non les moyens de ces déplacements qui restent libres. La bicyclette est donc autorisée à ce titre comme tout autre moyen de déplacement, et quel que soit le motif du déplacement ». Il indique également  que « les verbalisations résultant de la seule utilisation d’une bicyclette, à l’occasion d’un déplacement autorisé, sont injustifiées » et enfin, que « les restrictions de temps et de distance imposées par les dispositions du 5° de l’article 3 privent en principe d’intérêt l’usage de la bicyclette pour un déplacement exclusivement motivé par l’activité physique individuelle et que dans un tel cas, le risque plus important de commission d’une infraction liée au dépassement de la distance autorisée doit conduire, tout en rappelant la possibilité juridique d’utiliser la bicyclette pour tout motif de déplacement, à « en dissuader l’usage au titre de l’activité physique » ».
 
Le Conseil d’État relève, toutefois, que plusieurs autorités publiques continuent à indiquer par différents moyens de communication (réseaux sociaux et réponses à des « foires aux questions ») que la pratique de la bicyclette est interdite dans le cadre des loisirs et de l’activité physique individuelle avec une exception pour les enfants au cours de leur promenade.  Or, la faculté de se déplacer en utilisant un moyen de locomotion autorisé constitue bien une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Il existe ainsi une incertitude sur la portée de l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020. Dans ces conditions, l’absence de diffusion publique de la position gouvernementale porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant que le juge du référé-liberté fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. La Haute juridiction enjoint ainsi au Premier ministre de rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion, sa position.

Incompétence et pouvoirs du juge des référés

La fédération requérante demandait également au Conseil d’État d’enjoindre aux préfets de rouvrir les pistes cyclables fermées. Or, cette demande ne relève pas de la compétence du juge des référés du Conseil d’État et est, ainsi, rejetée conformément à l’article R. 522-8-1 du code de justice administrative.

Enfin, s’agissant de sa demande d’injonction au ministère public de cesser de poursuivre les verbalisations ayant pour motif l’usage du vélo, l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’habilite pas le juge des référés à adresser une injonction à l’autorité judiciaire. Elle est, dans ces conditions, également rejetée.
 
Source : Actualités du droit