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Covid-19 : les contrats de la commande publique fortement impactés !

Public - Droit public des affaires
25/03/2020
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 (art. 11, 1, 1°, f) autorise le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure « adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
Les mesures générales de confinement décidées à compter du lundi 16 mars 2020 ont des répercussions importantes sur les entreprises titulaires de contrats de la commande publique mais aussi sur les acheteurs publics. En effet, certains se retrouvent dans l’incapacité de respecter leurs engagements contractuels.

Point sur les mesures mises en place en matière de passation et d’exécution de ces contrats :
 
En matière de passation : délais réduits de publicité, urgence impérieuse, etc.

Avant la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, a mis en ligne, une note intitulée « La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire » en date du 16 mars 2020.

Dans cette note, elle rappelle la possibilité de mettre en œuvre les procédures de passation accélérées pour satisfaire les besoins urgents.

Ainsi, si l’entreprise titulaire du marché, en cas d’empêchement, ne peut réaliser les prestations prévues, les acheteurs publics possèdent la faculté de faire réaliser ces prestations par d’autres entreprises sans que cela constitue une faute contractuelle.

Si la satisfaction de ce besoin est urgente, les acheteurs publics peuvent dans ce cas appliquer les délais réduits de publicité prévus au 3° de l’article R. 2161-8 du code de la commande publique dans le cadre d’une mise en concurrence.

Au surplus, si la satisfaction de leur besoin est incompatible avec ces délais réduits, une mise en œuvre de la procédure sans publicité ni mise en concurrence prévues en cas d’urgence impérieuse est envisageable (CCP, art. R. 2122-1). Toutefois, ces achats ne doivent être effectués que pour les montants et la durée strictement nécessaires à la satisfaction des besoins urgents. Ils pourront être renouvelés en cas de prolongement de la situation de blocage.

Pour mémoire, l’urgence impérieuse est définie à l’article R. 2122-1 du code de la commande publique comme résultant de circonstances extérieures que l’acheteur ne pouvait pas prévoir. Cet article renvoie à l’article L. 1311-4 du code de la santé publique faisant référence à un danger ponctuel imminent pour la santé publique. La situation sanitaire actuelle correspond parfaitement à la définition de l’urgence impérieuse.

En outre, l’article R. 2112-17 du code de la commande publique permet aux acheteurs publics de passer des marchés à prix provisoire pour des prestations complexes ou faisant appel à une technique nouvelle et présentant un caractère d’urgence impérieuse lorsque l’exécution du marché doit commencer alors que la détermination d'un prix initial définitif n'est pas encore possible.

Par ailleurs, s’agissant des contrats de concession, ils peuvent être conclus, conformément à l’article R. 3121-6 du code de la commande publique, sans publicité ni mise en concurrence préalables en cas d'urgence résultant de l'impossibilité dans laquelle se trouve l'autorité concédante publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service concédé par son cocontractant ou de l'assurer elle-même. Cette possibilité est ouverte à une double condition : la continuité du service doit être justifiée par un motif d’intérêt général et la durée de ce nouveau contrat de concession ne doit pas excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de passation.
 
En matière d’exécution : le Covid-19, cas de force majeure
 
Dès le 28 février 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances a indiqué que le coronavirus serait considéré comme un cas de force majeure. L’État s’est ainsi engagé à n’appliquer aucune pénalité de retard à l’encontre des entreprises ne respectant pas les délais de livraison en raison de la situation sanitaire actuelle.

Le cas de force majeure est défini par l’article 1218 du code civil aux termes duquel « ll y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».

Pour qu’un évènement soit qualifié de cas de force majeure, trois conditions sont requises :
  • des conséquences imprévisibles au moment de la signature du contrat ;
  • un caractère extérieur aux parties à l’évènement ;
  • une exécution impossible du contrat.
 
La crise sanitaire actuelle répond à ces trois conditions. Le régime de la force majeure doit s’appliquer sous réserve que des clauses contractuelles l’aient aménagé.

Toutefois, afin de déterminer la procédure à mettre en œuvre, il appartient aux titulaires de marchés publics de se référer à leur contrat et notamment aux Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG). En effet, les clauses relatives au cas de force majeure sont insérées dans les différents CCAG.

Pour les marchés de travaux, l’article 19.2.2 du CCAG Travaux prévoit qu’ : « Une prolongation du délai de réalisation de l’ensemble des travaux ou d’une ou plusieurs tranches de travaux ou le report du début des travaux peut être justifié par […] une rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier ». Il précise également que « L'importance de la prolongation ou du report est proposée par le maître d'œuvre après avis du titulaire, et décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur qui la notifie au titulaire ».

Quant aux marchés publics de fournitures, services ou prestations intellectuelles, l’article 13.13.1 des CCAG Fournitures courantes et services et CCAG Prestations intellectuelles dispose que : « Lorsque le titulaire est dans l’impossibilité de respecter les délais d’exécution, du fait du pouvoir adjudicateur ou du fait d’un évènement ayant le caractère de force majeure, le pouvoir adjudicateur prolonge le délai d’exécution. Le délai ainsi prolongé a les mêmes effets que le délai contractuel ».

Enfin, si le marché ne fait pas référence aux CCAG ou s’il déroge à ces derniers, et en cas d’impossibilité d’exécution, il convient d’examiner attentivement le contrat afin de déterminer la procédure à mettre en œuvre.

Une ordonnance doit être publiée au Journal Officiel dans les prochains jours.
 
Pour aller plus loin :
Sur l’urgence impérieuse, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2061 et s.
Sur la force majeure, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, no 2572
Source : Actualités du droit