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Accélération et simplification de l’action publique : un projet de loi largement modifié par le Sénat

Public - Droit public général
06/03/2020
Le 5 mars 2020, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi Accélération et simplification de l’action publique, dit ASAP. Retour sur les principales modifications apportées, dont certaines concernent directement les avocats.
Ce projet de loi comporte trois axes d’action (v. Des mesures en cascade pour simplifier l’administration, Actualités du droit, 14 févr. 2020) :
  • supprimer un certain nombre de commissions administratives ;
  • accentuer la déconcentration de décisions administratives individuelles ;
  • simplifier les procédures applicables aux entreprises ;
  • simplifier diverses autres procédures.
 
Un texte qui modifie pas moins de 22 codes, dont la liste serait un peu rébarbative à lire.
  
Le projet de loi en quelques chiffres
– 50 articles dans le projet de loi déposé (TA Sénat n° 307, 2019-2020) ;
– amendements en commission des lois du Sénat : 159 déposés, 71 adoptés ;
– amendement en séance : 200 déposés, 51 adoptés.
 
 
Synthèse des amendements adoptés par le Sénat
En commission spéciale, de nombreux amendements ont été adoptés, visant à :
  • maintenir plusieurs commissions consultatives jugées utiles ;
  • renforcer l’information des maires sur les projets d’installations éoliennes (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-79) ;
  • supprimer la possibilité de vendre en ligne des médicaments via une plateforme mutualisée, éventuellement avec des locaux de stockage distincts, que le projet de loi souhaitait introduire (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-131) ;
  • simplifier l’approvisionnement en médicaments des officines (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-66) ;
  • renforcer l’information des emprunteurs quant à leur droit à changer d’assurance-emprunteur, en reprenant les dispositions de la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur adoptée par le Sénat le 23 octobre 2019 (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-58 et s/amendement n° COM-159) ;
  • remplacer l'habilitation à légiférer par ordonnance par une prorogation de 14 mois, et sous conditions, de certaines dispositions de l'expérimentation issue de la loi dite Égalim (seuils de revente à perte et d’encadrement des promotions), (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-151).
 
En séance publique, les amendements ont eu pour finalité de :
  • sécuriser la politique d’indemnisation des maladies liées aux essais nucléaires (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 99 ) ;
  • simplifier les procédures applicables aux recherches non interventionnelles ne portant pas sur des produits de santé (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 98 rect. ter et s/amendement n° 199) ;
  • permettre aux sites industriels mettant en œuvre des procédés consommant de l’électricité de manière hyper-intensive de conclure avec les fournisseurs d’électricité des contrats d‘approvisionnement à long terme, dans des conditions économiques s’inscrivant dans la continuité des contrats historiques (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 89 rect. – art. add. après art. 28) ;
  • publier, et réviser chaque année, l’ensemble des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet et non décision d’acceptation (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 83) ;
  • assurer une meilleure convergence entre l’espace numérique de santé (ENS) et le dossier médical partagé (DMP) (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 158 rect) ;
  • exclure une mise en cause des propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public au titre de leur responsabilité sans faute du fait des choses (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 129 rect bis) ;
  • introduire, de façon expérimentale pour trois ans, une clause de révision des prix dans les contrats portant sur des produits finis majoritairement composés d'une matière agricole (TA Sénat n° 358, 2019-2020, amendement n° 35 rect.).
 
Des modifications importantes côté avocats
Le projet de loi initial comportait deux dispositions spécifiques à l’activité des avocats :
  • l’article 45 : honoraire de l’avocat dans le cadre d’un contrat d’assurance de protection juridique : cet article permettait à l’assureur de protection juridique d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et son avocat ;
  • l’article 46 : commande publique : cet article transposait les articles 10 de la directive 2014/24/UE et 21 de la directive 2014/25/UE du 26 février 2014 et exclut du champ du droit des marchés publics les marchés de services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant.
 
Arbitrage politique issu de la négociation avocat/ministère de la Justice sur le projet de loi instaurant un système universel de retraite, l’article 45 a été supprimé en commission spéciale sur amendement de la majorité (TA Sénat n° 307, 2019-2020, amendement n° COM-2 rect., notamment). Exit donc l’immixtion de l’assureur dans la négociation des honoraires.
 
L’article 46 a, pour sa part, été modifié à la marge en commission spéciale (seul un amendement rédactionnel a été adopté : TA Sénat n° 307, amendement n° COM-135).
 
En revanche, les sénateurs ont introduit, contre l’avis du gouvernement, un nouvel article   (TA Sénat n° 358, amendement 85 rect.). Son objectif : rapprocher la déontologie des conseils en propriété industrielle (CPI) de celle des avocats, au moins sur un point : la confidentialité prévue par l’article L. 422-11 du Code de la propriété intellectuelle. Pour les auteurs de l’amendement, « il apparaît qu’en l’état actuel du droit positif, certaines dispositions législatives fondamentales, notamment sur l’indépendance ou la garantie de confidentialité n’offrent pas encore le même niveau de garantie pour la profession libérale réglementée de CPI que celle offerte par la profession d’avocat, alors même que ces garanties déontologiques essentielles pour leurs clients, sont dans les faits, les mêmes ». 

L’amendement modifie donc cet article pour imposer que la correspondance entre un CPI et un avocat soit respectée de manière identique par le CPI et par l’avocat. En pratique cela induit deux ajouts au sein de l’article L. 422 11 du Code de la propriété intellectuelle :
  • « Toutefois, ce secret ne s’étend pas aux correspondances professionnelles portant la mention “officielle” échangées avec un confrère ou un avocat » ;            
  • « Lorsque le présent article s’applique à une correspondance professionnelle échangée entre un conseil en propriété industrielle et un avocat, ce dernier est tenu vis à vis de cette correspondance aux mêmes obligations que celles que l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques lui impose en matière de secret des correspondances professionnelles ». 
 
Ce projet de loi, en procédure accélérée, a été transmis à l’Assemblée nationale, où il ne sera pas examiné avant le mois d’avril.      
Source : Actualités du droit