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Fonction publique : précisions sur le droit à la communication du dossier

Public - Droit public général
25/02/2020
Dans un arrêt rendu le 5 février, le Conseil d’État rappelle que la communication du dossier à l’agent est un droit prévu par la loi du 22 avril 1905, et déclare que ce droit ne peut être limité qu’en cas de risque de grave préjudice aux témoins.
Après des signalements de situations pouvant constituer des faits de harcèlement de la part du directeur de l’Établissement national des invalides de la marine, l’inspection générale des affaires sociales s’était vu confier une mission d’enquête administrative, ayant abouti sur un rapport recommandant qu’il soit mis fin aux fonctions de l’intéressé.
 
Les préconisations du rapport ayant été suivies, l’ancien directeur demandait au Conseil d’État d’annuler le décret du Président de la République ayant mis fin à ses fonctions. Il faisait valoir qu’il n’avait pas eu connaissance des témoignages des agents qui avaient été recueillis dans le cadre de l’enquête administrative.
 
Communication du dossier
 
La Haute cour rappelle qu’en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 « un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier ».
 
Il en résulte, selon le Conseil, que les témoignages du personnel doivent être communiqués à l’agent, mais uniquement dans la mesure où cette communication ne peut porter préjudice aux témoins : « le rapport (…) ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont [l’agent] doit recevoir communication (…) sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné ».
 
Le Conseil d’État déclare que quand bien même la décision de mettre fin aux fonctions du directeur de l’établissement était prise dans l’intérêt du service, la communication du dossier prévue par la loi du 22 avril 1905 constituait une obligation.
 
Mesure dans l’intérêt du service
 
En l’espèce, le rapport faisait état « d’un comportement et d’un mode de direction ayant causé des difficultés parfois graves à plusieurs agents » et préconisait le départ, vu comme une mesure nécessaire au bon fonctionnement de l’établissement. La décision ne constituait en effet pas une sanction, comme l’a rappelé le rapporteur public Louis Dutheillet de Lamothe dans ses conclusions, mais une mesure prise dans l’intérêt du service.
 
Le Conseil relève que l’agent avait consulté son dossier et présenté des observations, mais que les cinquante-cinq procès-verbaux d’audition des agents de l’établissement ne lui avait pas été communiqués. L’agent avait par la suite demandé la communication de ces pièces, qui lui avait été refusée.
 
Garantie des droits de la défense
 
Pour la Haute cour, les procès-verbaux des témoignages d’agents font partie des pièces que l’agent était en droit d’obtenir en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905. Le rapporteur public avait noté dans ses conclusions qu’il était « clair que ces documents étaient utiles à la défense » de l’intéressé, qui souhaitait « pouvoir contester le détail des propos le critiquant et des faits lui étant reprochés ». Il a donc considéré que la garantie des droits de la défense avait été méconnue.
 
Suivant les conclusions, le Conseil d’État a estimé que la décision ayant mis fin aux fonctions du directeur de l’établissement avait été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, et l’a donc annulée.
Source : Actualités du droit