Diffusion de la Ligue des champions sur BFM TV : le CSA appuyé par le Conseil d'État

Public - Droit public des affaires
15/01/2020
Si la règle n’était toujours pas claire, le Conseil d'État vient de la réaffirmer clairement : les actes de droit souple (ou de « soft law ») des autorités de régulation peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. C’est cette fois sur une délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur la diffusion d'un programme télévisé que la Haute juridiction s’est prononcée.
Dans cette affaire, le CSA avait adopté une délibération par laquelle il estimait que la diffusion envisagée par la chaîne de télévision BFM TV de l'intégralité de la finale de la Ligue des champions le 1er juin 2019 ne correspondait à aucune des catégories de programme que ce service était autorisé à diffuser et qu'elle était donc incompatible avec les termes de la convention conclue le 19 juillet 2005 entre le CSA et cette société. Malgré la communication de cette délibération à la société par une lettre du Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, BFM TV avait retransmis le programme en direct. Par une nouvelle délibération, le CSA avait ensuite mis en demeure la société BFM TV de se conformer à l’avenir aux stipulations de cette convention. La société BFM TV réclamait l’annulation de ces deux délibérations.
 
Sur la recevabilité du recours
 
Devant le Conseil d'État, le CSA contestait la recevabilité de la requête formée à l’encontre de ses délibérations, estimant que ces actes de droit souple étaient insusceptibles de recours devant la juridiction administrative. Le Conseil d'État applique cependant dans cette décision sa jurisprudence en la matière et relève que « si cette délibération ne présente pas le caractère d'une mise en demeure ou d'une disposition générale et impérative, elle traduit la position prise par le Conseil (…) sur l'incompatibilité de la programmation envisagée par la société BFM TV avec les stipulations de la convention du 19 juillet 2015 ». Il considère que « cette prise de position, qui a donné lieu à la diffusion d'un communiqué du Conseil sur son site internet, doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant eu pour objet d'influer de manière significative sur le comportement de la chaîne ».
 
Il en déduit, « eu égard à sa portée et aux conditions dans lesquelles elle a été prise », que la délibération en cause était bien un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La fin de non-recevoir opposée par le CSA est donc écartée par le Conseil, qui réaffirme par la présente décision la possibilité de former un tel recours.
 
Sur le fond, le Conseil d’État donne raison au CSA en affirmant que BFM TV, qui est une chaîne « consacrée à l’information » selon sa convention avec le CSA, n’était pas autorisée à retransmettre en direct et en intégralité la finale de la dernière Ligue des champions.
 
Une jurisprudence plusieurs fois confirmée
 
Pour rappel, c’est par deux décisions d’Assemblée du 21 mars 2016 que le Conseil d'État avait ouvert la possibilité de former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes de droit souple adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies (CE, ass., 21 mars 2016, n° 390023, Sté Numericable et CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082, Sté Fairvesta International ; lire Le Conseil d’État accepte de juger des actes de "soft law", Actualités du droit, 27 avr. 2016). Cette jurisprudence a ensuite été étoffée par des arrêts successifs évaluant différents cas.
 
Voir pour exemples :
– Prise de position publique de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) : Recours contre les actes de soft law des autorités de régulation : nouvelle illustration par le Conseil d’État, Actualités du droit, 23 oct. 2019 ;
– Lignes directrices de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) : Nouvelle pierre à l’édifice du recours contre les actes de soft law : les lignes directrices des autorités de régulation sont contestables, Actualités du droit, 20 déc. 2017 ;
– Communications du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : Les conditions du recours contre les actes de soft law des autorités de régulation se confirment, Actualités du droit, 30 nov. 2016 ;
– Communication de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : Nouvel épisode de recours contre les actes de « soft law » : les précisions du Conseil d'État, Actualités du droit, 31 août 2016 ;
– Prise de position de l’Autorité de la concurrence (ADLC) : Le Conseil d’État accepte de juger des actes de "soft law", Actualités du droit, 27 avr. 2016.
 
Avec cette décision rendue le 31 décembre 2019, les juges du Palais-Royal poursuivent donc la droite ligne de leur jurisprudence sur le sujet.
 
Pour aller plus loin
– Pour des développements complets sur l'ouverture du recours en annulation contre les actes de droit souple, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, nos 127 et suivants.
– Sur la possibilité de former un recours contre les actes de droit souple des autorités de régulation, voir les nos 1236 et suivants.
Source : Actualités du droit