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Assises nationales de la médiation administrative organisées par le Conseil d’État

Public - Droit public général
19/12/2019
Le Conseil d’État a organisé, mercredi 18 décembre, les premières Assises de la médiation administrative, qui se sont tenues à la Maison de la Chimie à Paris. L’occasion de faire le bilan, à travers sept tables rondes, sur ce mode alternatif de règlement des différends en plein essor, et d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Les premières Assises nationales de la médiation administratives ont été ouvertes par Bruno Lasserre, vice-Président du Conseil d’État, qui entend donner à nouvel élan à la culture de la médiation. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et le décret du 18 avril 2017, relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif, ont construit un nouveau régime de médiation administrative. Selon M. Lasserre, il appartient au juge de s’investir davantage pour la médiation, et de s’interroger en permanence sur l’opportunité de recourir à cette procédure.
 
Christiane Feral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB) a expliqué faire de la médiation son « deuxième cheval de bataille » avec le numérique, et considère que le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges n’est en aucun cas le signe d’un manque de confiance dans le juge.

À la suite de la présidente du CNB, Philippe Gazagnes, référent national médiation des juridictions administratives est venu défendre la place de la médiation, qui, selon lui, peut permettre un retour de la confiance et de la bonne administration, et peut être utilisée pour résoudre des conflits dans tous les domaines : la fonction publique, l’environnement, l’urbanisme, le contentieux des étrangers, etc.
 
Possibilité d'une médiation dans tous les domaines
 
La première partie de la journée était consacrée à la médiation conventionnelle, avec des tables rondes organisées par domaines du droit administratif :
  • Le rôle des différents acteurs de la médiation administrative 
  • La médiation dans la Fonction publique 
  • La médiation a-t-elle sa place dans les litiges de police administrative ?
  • La médiation à l’hôpital 
  • La médiation dans les litiges d’urbanisme et d’environnement
 
Dans cette première partie, les intervenants ont cité des exemples de médiations réussies, démontrant que ce mode de règlement des différends peut être utilisé tant en matière de fonction publique, de police administrative ou de responsabilité hospitalière qu’en urbanisme ou en matière d’installations classées, de stationnement ou de fermetures de débits de boissons.
 

 « L’avocat transforme un différend en litige, le médiateur transforme le litige en conflit »

Ainsi, selon Florian Blazy, directeur adjoint au directeur général de l’administration et de la fonction publique, la médiation va devenir incontournable face à la suppression par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août dernier des avis obligatoires des commissions administratives paritaires sur la mobilité et la promotion.
 
Pour Maître Gilles-Robert Lopez, président de la Chambre nationale des praticiens de la médiation, ancien bâtonnier et co-fondateur du Groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME), alors que l’avocat transforme un différend en litige, le médiateur transforme le litige en conflit. L’approche est totalement différente, selon l’avocat, qui a cité un exemple en matière de délivrance de permis de construire. Au lieu de rechercher des points de droit qui pourraient permettre l’annulation du permis (hauteur autorisée, etc.), le requérant, dans le cadre d’une médiation, va tenter de démontrer les inconvénients du projet et de défendre ses intérêts sans forcément aller sur le terrain du droit, dans le but de trouver une solution amiable.
 
Les intervenants ont toutefois pointé les éléments pouvant constituer des freins à la médiation. En matière hospitalière, par exemple, les patients peuvent ressentir un besoin d’entendre le juge déclarer que l’hôpital est responsable, et inversement l’hôpital peut avoir le besoin que le juge tranche en sa faveur, selon Charline Nicolas, directrice des affaires juridiques de l’AP-HP. En matière d’urbanisme ou d’environnement, les différends peuvent être tri-partites, avec pour acteurs l’autorité administrative, le porteur du projet et le tiers estimant ses intérêts lésés (voisin, association de protection de l’environnement), rendant l’accord amiable plus difficile.
 
Nécessité d’un statut
 
La seconde partie, consacrée à la médiation institutionnelle, a été ouverte par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et s’est articulée autour de deux tables rondes :
•           Le premier bilan de l’expérimentation de médiation préalable obligatoire
•           Vers un statut unique des médiateurs institutionnels ?
 
Le Défenseur des droits a indiqué que le mouvement de médiation répondait à un besoin de dialogue au sein de la société et pouvait renforcer l’accès au droit. Selon lui, la médiation peut servir à pallier la suppression des guichets et des humains au sein des services publics, et est en réalité une voie d’accès au droit fondée sur le dialogue.
 
Sur son rôle, il estime que « le Défenseur des droits est un acteur central de la médiation », et « entretient des relations étroites avec les médiateurs institutionnels ».
 

 « Les médiateurs ne doivent être ni des guichets ni des juges »

Jacques Toubon souhaite la mise en place d’un statut des médiateurs, avec un socle commun de règles. C’est d’ailleurs ce que France stratégie, institution autonome placée auprès du Premier ministre, prône dans un rapport « Médiation accomplie ? Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations ».
 
Les intervenants, au cours des deux tables rondes qui ont suivi l’intervention du Défenseur des droits, se sont montrés favorables à la création sinon d’un statut, au moins d’un socle commun minimal de règles applicables à tous les médiateurs institutionnels et permettant de garantir l’indépendance du médiateur en vue d’obtenir la confiance des citoyens, et ainsi, de renforcer le recours à la médiation. Bruno Lasserre, dans son discours d’ouverture, avait également fait part de son souhait que les médiateurs institutionnels bénéficient d’une indépendance, que leur mandat ait une durée limitée, que leurs services soient gratuits, et que leur saisine interrompe les délais.

Rôle du médiateur
 
Des interrogations se posent sur le rôle des médiateurs et la place de la médiation par rapport à d’autres modes de règlement des conflits, amiables ou juridictionnels. Ainsi, alors que selon Louise Cadin, auditrice au Conseil d’État et co-auteure du rapport, « Médiation accomplie ? Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations », « les médiateurs ne doivent être ni des guichets ni des juges », « la médiation ne doit pas être un RAPO [recours administratif préalable obligatoire] bis » selon Daniel Agacinski, chef de projet chez France Stragégie, également co-auteur du rapport.
 
La journée a été conclue par Jacques Salzer, médiateur, universitaire émérite, et pionnier de la médiation en France, qui a d’ailleurs co-créé un diplôme universitaire « Gestion des conflits, négociations et médiation » à l’université Paris V, très favorable au développement de la médiation, rendu possible notamment grâce à la confiance des citoyens en l’Administration.
 
Source : Actualités du droit