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Un tiers à un contrat public peut-il se prévaloir des clauses figurant dans un avenant transactionnel ?

Public - Droit public des affaires
27/11/2019
Le principe selon lequel les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires, est aujourd’hui bien connu et appliqué. Mais qu’en est-il des clauses figurant dans un avenant transactionnel conclu par les parties au contrat ?
C’est dans un arrêt rendu le 21 octobre 2019 que le Conseil d’État a tranché cette question, en jugeant que les tiers à un contrat administratif ne peuvent se prévaloir des stipulations de ce contrat, ni de celles qui figurent dans un avenant transactionnel conclu par les parties.

En l’espèce, le mandataire du groupement chargé de l'exécution de travaux mettait en cause la responsabilité quasi-délictuelle du mandataire du maître d'ouvrage et du groupement de maîtrise d'œuvre.

Toutefois, un avenant transactionnel avait été passé, avant le litige, entre le mandataire et le maître de l'ouvrage, comportant une clause par laquelle le mandataire renonçait à toute réclamation, sans que puisse être utilement invoqué « le principe de l'effet relatif des contrats ». Les parties mises en cause opposaient au groupement cette clause afin de faire valoir l’irrecevabilité de la requête de la société mandataire du groupement à leur égard.

La cour administrative d’appel, retenant que ces derniers étaient fondés à se prévaloir des clauses de l’avenant, avait conséquemment rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par la société plaignante.

Dans cette décision, le Conseil d’État, rappelant que « les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires » (CE, sect., 11 juill. 2011, n° 339409), réfute le raisonnement de la cour administrative d’appel. Il énonce, contrairement à la juridiction d’appel, que les parties mises en cause dans ce litige, étrangères à l’avenant transactionnel, ne pouvaient s'en prévaloir et ne pouvaient donc pas opposer au groupement la renonciation à toute réclamation qui y était contenue.

Les juges administratif et judiciaire en opposition

Il est aujourd’hui bien établi qu’un contrat conclu par une personne publique est en principe insusceptible de créer des obligations à l’égard des tiers (CE, sect., 29 juin 1973, n° 82938, Ministre de l’Équipement c/ Sté Parisienne pour l’industrie électrique) et qu’il ne peut pas non plus leur profiter (CE, 23 juin 1976, nos 95896 et 95919, Lotty et Cne de Veaux-sur-Mer).

De même, le Conseil d’État a jugé plus récemment que les tiers ne peuvent invoquer un contrat administratif en recherchant notamment la responsabilité quasi-délictuelle des contractants en cas d’inexécution du contrat, même lorsque cette inexécution leur causerait un dommage (CE, sect., 11 juill. 2011, n° 339409). Cette jurisprudence est ici confirmée et précisée, avec l’affirmation de l’impossibilité pour les tiers au contrat de se prévoir d’un avenant transactionnel auquel ils sont étrangers, alors même que le plaignant aurait, par cet avenant, renoncé à toute réclamation.

À titre de comparaison, si le contrat privé, comme le contrat administratif, ne lie que ses parties (C. civ., art. 1199), le juge judiciaire a néanmoins admis au fil de sa jurisprudence de plus souples dérogations à ce principe.

Ainsi par exemple, la Cour de cassation a admis en 2006 que, dans l’hypothèse où l’une des parties au contrat aurait renoncé à un droit, cette renonciation lui est opposable, même par un tiers (Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. ass. plén. 2006 n° 9).

Le juge judiciaire a également admis qu'un tiers à un contrat puisse, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, invoquer un manquement contractuel qui lui est dommageable (Cass. 1re civ., 25 févr. 2003, n° 01-00.890, Bull. civ. 2003, I, n° 60).

Les deux ordres de juridiction poursuivent donc sur ce point une lignée jurisprudentielle bien discordante.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements détaillés sur les effets du contrat public à l’égard des tiers, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 1359 et suivants.
Sur les contrats privés, se référer au Lamy Droit du Contrat.
Source : Actualités du droit