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Mise en concurrence et avis d’intention d’attribution directe : gare aux confusions !

Public - Droit public des affaires
20/11/2019
Saisie d’une question préjudicielle émanant d’une juridiction italienne, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a affirmé, dans une décision rendue le 24 octobre 2019, que la publication d’un avis d’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer ne s’assimile pas à une mise en concurrence.
En l’espèce, la région de Sardaigne avait publié, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, un avis de préinformation concernant l’attribution directe d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer à une entreprise historique du secteur ferroviaire italien. Estimant ne pas devoir procéder à une mise en concurrence, la région de Sardaigne, après négociation avec cet opérateur, lui a attribué directement le contrat.

Cependant, deux opérateurs économiques qui avaient demandé à la région de leur indiquer le cadre formel dans lequel se déroulerait la mise en concurrence ainsi qu’une documentation supplémentaire ont contesté cette attribution et l’ont signalée à l’Autorité garante de la concurrence et du marché italienne. Cette dernière a porté l’affaire devant les juridictions nationales.

Selon elle, « une autorité régionale qui a l’intention de procéder à une attribution directe d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer doit mettre à la disposition des opérateurs économiques potentiellement intéressés toutes les informations nécessaires pour la formulation d’une offre commerciale » et « effectuer une analyse comparative des offres soumises à la suite de la préinformation effectuée (…) et motiver le choix de l’opérateur économique auquel le marché est attribué ».

Le tribunal administratif italien a décidé de surseoir à statuer et de saisir la CJUE afin de savoir si les paragraphes 2 et 4 de l’article 7 du règlement (CE) n° 1370/2007 imposent aux autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer :
– d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques intéressés toutes les informations nécessaires afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative ;
– d’autre part, d’effectuer une telle évaluation comparative des offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations.

À ces deux questions, la Cour de justice répond par la négative.

Quelles dispositions applicables ?

L’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1370/2007 prévoit que chaque autorité compétente prend les mesures nécessaires afin que, au plus tard un an avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou un an avant l’attribution directe, soient publiées au Journal officiel de l’Union européenne au minimum trois informations : le nom et les coordonnées de l’autorité compétente, le type d’attribution envisagée et les services et les territoires susceptibles d’être concernés par l’attribution.

L’article 7, paragraphe 4, de ce règlement exige quant à lui qu’« à la demande de toute partie intéressée, l’autorité compétente lui communique les motifs de sa décision relative à l’attribution directe d’un contrat de service public ».

Deux régimes bien distincts

Dans sa décision, la CJUE affirme que les dispositions de l’article 7 « ne requièrent pas que soient publiées ou communiquées des informations sur l’attribution envisagée qui permettent d’élaborer une offre susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et qu’ils n’envisagent pas non plus que soit organisée une évaluation comparative des offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations ». En effet, le paragraphe 2 se borne à énumérer les éléments devant être publiés, qui ne permettent d’ailleurs pas de préparer une offre susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et « ne mettent pas un opérateur intéressé en mesure de discerner les caractéristiques concrètes du contrat envisagé ». En outre, l’article ne fait mention d’aucune obligation d’évaluer comparativement les offres éventuellement reçues après la publication prévue.

De surcroît, la CJUE rappelle que l’article 2, h), du règlement définit l’attribution directe comme l’« attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ». Les deux régimes d’attribution des contrats de service public de transport de voyageurs par chemin de fer et par route sont donc bien distincts.

Il s’ensuit que l’on ne peut affirmer, selon la cour, que les dispositions questionnées introduisent un régime de publicité analogue à celui qui caractérise la mise en concurrence, une telle interprétation conduisant à assimiler la procédure d’attribution directe à la procédure de mise en concurrence en méconnaissance des différences importantes que le règlement n° 1370/2007 prévoit les concernant.
Source : Actualités du droit