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Décompte définitif et appel en garantie contre le titulaire du marché : rappel des règles applicables

Public - Droit public des affaires
19/11/2019
Dans un arrêt du 13 novembre 2019, le Conseil d’État a rappelé les règles contentieuses applicables en matière d’appel en garantie contre le titulaire du marché dans le cas où un décompte a été établi sans réserve.
En l’espèce, dans le cadre d’une opération de construction, la maîtrise d'œuvre a été confiée par une métropole à un groupement solidaire. Un différend étant né entre le groupement d'entreprises titulaire du lot et le maître d'ouvrage en ce qui concerne le décompte général du marché, le juge du contrat avait été saisi. Au cours de cette instance devant le tribunal administratif, la métropole a appelé en garantie le groupement solidaire de maîtrise d'œuvre. Les entreprises de ce groupement contestaient leur condamnation en garantie en raison de l’absence d’inscription de la somme en question dans le décompte général du marché de maîtrise d’œuvre. La cour administrative d’appel ayant rejeté son appel, le groupement a porté l’affaire devant le juge de cassation.
 
Pour rappel, l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales.
 
L’application d’une solution préétablie
 
La Haute juridiction avait déjà jugé en mai dernier que l’appel en garantie contre le titulaire du marché est recevable même lorsque le maître d’ouvrage a eu connaissance de l’existence du litige avant l’établissement du décompte, sauf s'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige (CE, 6 mai 2019, n° 420765, lire Décompte établi sans réserve : l’appel en garantie contre le titulaire du marché est-il recevable ?, Actualités du droit, 22 mai 2019).
 
C’est cette règle que rappelle et applique le Conseil dans cette affaire. Il reprend en effet les termes de sa jurisprudence du 6 mai 2019 en énonçant que « la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».
 
Ce raisonnement, correctement exposé par la cour administrative d’appel, est validé par les juges du Palais-Royal. Néanmoins, cela n’empêche pas les juge de cassation de relever que la cour a commis une erreur de droit, puisqu’elle n’a pas recherché « si le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché de maîtrise d'œuvre ou si celui-ci avait été assorti d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ». L’arrêt d’appel est donc annulé pour ce motif.
 
Répartition des tâches entre les membres du groupement
 
Autre élément intéressant dans cette affaire : certains membres du groupement avaient à leur tour appelé en garantie un autre membre de leur groupement. La cour administrative d’appel, estimant que le contrat ne prévoyait pas de répartition des tâches entre les membres du groupement, avait rejeté ce recours.
 
Au contraire, le Conseil d’État a rappelé que si les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches, « il appartient au juge administratif d'apprécier l'importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie ».
 
Le seul motif de l’absence de répartition des tâches n’était ainsi pas suffisant pour rejeter l’appel. La décision est, par conséquent, annulée également pour ce motif.
 
Pour aller plus loin
Sur le décompte général, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, n° 2656
Source : Actualités du droit