Retour aux articles

Marchés informatiques : l’acheteur ne doit pas favoriser le concepteur du logiciel propriétaire

Public - Droit public des affaires
30/04/2019
Le tribunal administratif de Strasbourg a, dans une décision du 16 avril 2019, jugé que lorsqu’une collectivité souhaite imposer, dans le cadre d’un marché, l’utilisation d’un logiciel propriétaire, elle ne peut favoriser le concepteur du logiciel par rapport à ses concurrents, sous peine de voir sa procédure de passation annulée.
En l’espèce, une collectivité souhaitait conclure un marché ayant pour objet le développement et la maintenance applicative d’un logiciel dit « propriétaire ».
 
Une société avait demandé au tribunal administratif d’annuler la passation du marché, dont les spécifications techniques étaient, selon elle, discriminatoires et méconnaissaient les principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats. Elle invoquait à ce titre le fait que le dossier de consultation imposait le recours à la seule plateforme qui était une solution propriétaire et non un logiciel libre, cette spécification technique ayant eu, selon elle, pour effet « de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques », une telle atteinte à la concurrence n'étant pas justifiée par l'objet du marché.
 
Le tribunal lui donne raison. Il relève en effet que le logiciel propriétaire dont l’attributaire du marché devait assurer le développement et la maintenance « n'était accompagné, au stade de la remise des offres, ni du code-source, ni même d'une quelconque documentation associée ». Ainsi, les candidats potentiels autres que la société conceptrice du logiciel ne disposaient pas d’un accès libre et gratuit audit logiciel.
 
Pour le tribunal, il incombait à l’acheteur public, dès lors que les spécifications des documents de consultation imposaient un logiciel propriétaire (ce qui n’est pas interdit en soi), de garantir « dès avant la phase de consultation, l'accès de tous les candidats aux informations requises relatives aux fonctionnalités du logiciel ». En omettant d’accomplir cette formalité, la collectivité a alors méconnu le principe d’égalité de traitement entre les candidats, en empêchant certains d’entre eux de présenter « une offre concurrentielle avec un minimum d'éléments leur permettant, entre autres, d'évaluer la complexité et la volumétrie des codes-sources ».
 
Il juge donc que « l'administration a nécessairement conféré un avantage à la société (conceptrice du logiciel) ». Par suite, « la procédure en cause est entachée d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence par la méconnaissance, notamment, de l'article 5 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics » et est donc annulée.
 
Concernant les logiciels libres, la question avait été tranchée dans un arrêt du Conseil d'État rendu en 2011 (CE, 30 sept. 2011, n° 350431). Dans cette décision, la Haute juridiction a jugé qu’une collectivité peut imposer, au titre des spécifications techniques, la référence à un logiciel libre spécifique, dès lors que tous les opérateurs économiques ont la possibilité d’accéder librement et gratuitement aux caractéristiques du logiciel.
Source : Actualités du droit