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Recours « Béziers II » : l’intérêt général ne doit pas détourner le juge de son office

Public - Droit public des affaires
06/02/2019
Commet une erreur de droit le juge qui se contente de se prononcer sur l’atteinte à l’intérêt général que porterait la reprise des relations contractuelles qui lui est demandée, en faisant l’économie de l’appréciation de la validité de la mesure de résiliation. Telle est la solution retenue par le Conseil d’État amené une nouvelle fois à préciser l’office du juge du contrat saisi d’un recours dit « Beziers II ».
La commune de Cannes avait confié en 1995 à la société Uniparc, par un contrat de DSP, la construction et l’exploitation de parcs de stationnement. Le conseil municipal a décidé de résilier cette convention à compter du 1er mars 2019 dans la perspective de reprendre en régie l’activité afin de mettre en œuvre une nouvelle politique de stationnement incitative destinée à rapatrier en centre ville une clientèle qui s’en détournait au profit de centres commerciaux périphériques. L’opérateur a alors demandé auprès du juge des référés la reprise des relations contractuelles.

Saisi du recours en annulation formé par la société contre l’ordonnance rejetant sa demande, le Conseil d’État commence par rappeler la teneur du dispositif dit « Béziers II » (CE, 21 mars 2011, n° 304806, Cne de Béziers, v. Le Lamy Droit public des affaires 2018, nos 4845 et s.). La Haute juridiction a en effet confié au juge du contrat, le soin de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, en appréciant par ailleurs, eu égard aux vices constatés ainsi qu’aux motifs de la résiliation , si une telle mesure n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général.

En l’espèce, les juges du Palais-Royal ont estimé qu’en s’abstenant de rechercher si les vices invoqués par la requérante à l’encontre de la mesure de résiliation étaient d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise du contrat, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit, « l’existence d’un motif d’intérêt général s’opposant à la reprise des relations contractuelles ne pouvant être appréciée indépendamment de la gravité des vices affectant la mesure de résiliation ». Et d’en inférer que la société était fondée à demander l’annulation de l’ordonnance. La Haute juridiction aura ce faisant suivi le raisonnement de son rapporteur public, G. Pellissier, affirmant dans ses conclusions qu’ « en se prononçant comme il l’a fait directement et uniquement sur l’atteinte à l’intérêt général d’une mesure dont il n’a pas examiné les causes juridiques susceptibles de la justifier, sans prendre aucunement en considération les autres intérêts en presence, notamment ceux du titulaire du contrat, comme il aurait du le faire s’il s’était prononcé sur l’urgence, le juge se comporte plus en administrateur qu’en juge ».

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État relève que la mesure de résiliation litigieuse était notamment fondée sur le motif d’intérêt général tiré de la nécessité d’une reprise en régie de la gestion des parcs de stationnement afin de permettre à la ville de mettre en place une nouvelle offre plus attractive. Il rejette par ailleurs le moyen tiré de ce que la décision de la commune aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, en prenant soin de rappeler qu’une décision de résiliation ne revêt pas le caractère d’une sanction (CE, 20 mars 1996, n° 121601). La demande de la société Uniparc sera donc in fine rejetée.
 
 
Source : Actualités du droit