Retour aux articles

Demande d'exécution d'une décision rendue par le juge du contrat : juridiction compétente

Public - Droit public général
27/07/2018
Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2018, le Conseil d’État précise sa jurisprudence relative à la juridiction compétente pour connaître d'une demande d'exécution du jugement d'un tribunal administratif, dans le cas où ce jugement a fait préalablement l'objet d'un pourvoi en cassation.
Dans cette affaire, les deux requérants (une commune et un syndicat mixte) ont demandé à la cour administrative d’appel de Marseille d’ordonner à une société (leur cocontractante dans le cadre d’un contrat administratif) d’exécuter son arrêt, ainsi qu’une décision du Conseil d’État annulant partiellement cet arrêt, d’augmenter le taux d’astreinte prévu par jours de retard et de liquider l’astreinte provisoire. La cour administrative d’appel de Marseille ayant rejeté cette demande, les requérants demandent au Conseil d’État de faire droit à leur requête.

Le litige portait notamment sur la détermination de la juridiction compétente pour prononcer les mesures d’exécution demandées.

Juridiction compétente

Le Conseil d’État rappelle d'abord sa jurisprudence selon laquelle « la juridiction compétente pour connaître d'une demande d'exécution du jugement d'un tribunal administratif est le tribunal qui a rendu cette décision ou, en cas d'appel, la juridiction d'appel, alors même que cette dernière aurait rejeté l'appel formé devant elle ».

Il précise ensuite que « la seule circonstance qu'un jugement ou un arrêt ait fait l'objet d'un pourvoi en cassation est sans incidence sur la compétence du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel pour prononcer les mesures qu'implique l'exécution de ce jugement ou de cet arrêt ». Cependant, dans une telle hypothèse, lorsque le Conseil d'État a réglé l'affaire au fond à l’occasion de ce pourvoi (même lorsque le jugement ou l'arrêt n'a fait l'objet que d'une annulation partielle), « le Conseil d'État statuant au contentieux est également compétent pour statuer sur les conclusions tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par un jugement ou un arrêt ».

En l’espèce, l’arrêt de la cour administrative d’appel avait été partiellement annulé par le Conseil d’État statuant au contentieux, qui avait réglé l’affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée. Il est donc seul compétent pour prononcer les mesures qu'implique l'exécution de sa décision et de la partie du dispositif de l'arrêt de la cour qui est devenue définitive.

Précisions

Le Conseil d’État précise ici la solution dégagée dans sa décision du 17 mars 1956 (CE, sect., 13 juill. 1956, n° 37656), dans laquelle il a autorisé pour la première fois le juge administratif à formuler des injonctions éventuellement assorties d’astreintes à l’égard d’une personne privée (en l’occurrence, le cocontractant de l’administration).

Cet arrêt de principe a ensuite été repris dans plusieurs autres décisions (notamment : CE, 25 juin 2018, n° 418493 ; CE, 5 juill. 2013, n° 367760 ; CE, 1er mars 2012, n° 354628 ; CE, 29 juill. 2002, n° 243500).

Le Conseil d’État a également rendu des décisions s’inscrivant dans la lignée de cette jurisprudence, dans d’autres situations, comme dans des cas de contraventions de grande voirie (CE, 5 févr. 2014, n° 364561), ou encore en se basant sur certaines dispositions du livre IX du Code de justice administrative (CE, 24 févr. 2016, n° 391296).

Concernant ce livre IX (comprenant les articles L. 911-1 à L. 911-10 du Code de justice administrative), le Conseil d’État rappelle que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux injonctions et astreintes que les juridictions administratives peuvent prononcer à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public, depuis la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 et la loi n° 95-125 du 8 février 1995. Au contraire, elles ne sont pas applicables lorsque le juge du contrat, saisi par l'administration en vue de prononcer une obligation de faire à l'encontre de l'ancien cocontractant de l'administration, fait usage de sa faculté de prononcer une injonction assortie d'une astreinte en vue de l'exécution de sa décision.

Il est intéressant de rappeler à ce titre que, comme le mentionne le Conseil d’État dans cette décision, ces pouvoirs d’injonction et d’astreinte du juge administratif, proviennent d’un principe général du droit (CE, ass., 10 mai 1974, n° 85132), et non pas des dispositions législatives précitées (CJA, livre IX) ayant mis en œuvre ce principe (voir notamment CE, 15 oct. 2014, n° 338746).
Source : Actualités du droit