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Le Conseil d’État affine les conditions d’appréciation des critères sociaux

Public - Droit public des affaires
30/05/2018
Dans un arrêt du 25 mai 2018, le Conseil d’État est venu préciser sa position sur l’épineuse question des conditions d’application des critères sociaux dans la procédure d’attribution d’un marché public. Une décision qui met en lumière la pérénité de l’exigence de lien entre un tel critère et l’objet du marché.
Était en cause un accord-cadre passé par « Nantes Métropole » en vue de la réalisation de travaux d’impression. Celle-ci a inséré dans le règlement de la consultation un critère ayant pour objet de noter la « performance en matière de responsabilité sociale » des soumissionnaires.

À la suite du recours d’un candidat évincé, le juge du référé précontractuel prononce l’annulation de l’appel d’offres.
Saisi de la demande d’annulation de cette ordonnance formée par la métropole, le Conseil d’État commence par restituer les dispositions de l’article 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et de l’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 admettant notamment la prise en compte d’aspects sociaux dans les critères d’attribution des marchés publics.

La Haute juridiction poursuit en indiquant que de tels critères peuvent trouver à s’appliquer à condition « qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». Une précision qui vient comme exhumer cette exigence de lien avec l’objet du marché à la faveur de l’ordonnance de 2015. Cette condition semblait en effet avoir été éludée par la jurisprudence consacrant l’applicabilité de critères sociaux dans la procédure d’attribution de marchés (CE, 25 mars 2013, n° 364950, Dpt de l’Isère ; v. Le Lamy Droit public des affaires, n° 3252)

Le Conseil d’État ajoute que les dispositions du décret de 2016 consacrant cette possibilité dans la nouvelle réglementation « n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié (…) indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause ». C’est donc une interprétation restrictive qui ressort de la posture de la Haute juridiction. Une interprétation qui pourrait faire écho au contexte plus général de prévention contre l' usage abusif des critères sociaux dans les marchés publics.

En l’espèce, les juges du Palais-Royal relèvent que « l'utilisation de ce critère s'inscrit dans le cadre d'une politique dite "Achats Durables" de l'acheteur qui "implique que l'entreprise doive, tout en assurant sa performance économique, assumer ses responsabilités au regard des objectifs du développement durable c'est-à-dire dans les domaines environnementaux, sociaux et sociétaux" ». Et d’en inférer que « le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que le critère de "performance en matière de responsabilité sociale" ne concerne pas seulement les conditions dans lesquelles les entreprises candidates exécuteraient l'accord-cadre en litige mais porte sur l'ensemble de leur activité et a pour objectif d'évaluer leur politique générale en matière sociale, sans s'attacher aux éléments caractérisant le processus spécifique de réalisation des travaux d'impression prévus par le contrat ».
 
Source : Actualités du droit