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Réforme du transport ferroviaire : le libre accès total à la concurrence n’aura pas lieu !

Public - Droit public des affaires
04/04/2018
Le 29 mars 2018, la Chambre haute s’est félicitée de l’adoption, en première lecture, de la proposition de loi sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs portée par Louis Nègre (LR) et le centriste Hervé Maurey. Cette première mouture témoigne de la cristallisation des débats autour des risques inhérents à l’« open access ». Des craintes que la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, s’est efforcée de dissiper en déclarant qu’il n’y aurait pas de libre accès total à la concurrence.
« À l’issue de débats riches et constructifs, le Sénat a adopté un texte sur lequel le Gouvernement peut désormais s’appuyer pour poursuivre ses travaux, plutôt que de recourir à des ordonnances ». Hervé Maurey, et Jean-François Longeot, rapporteur du texte, n’ont pas manqué, à cette occasion, de marquer le territoire du Parlement sur ce chantier qui s’annonce intensif.

Les premières discussions se sont notamment concentrées sur l’impact de la réforme en terme d’aménagement du territoire. Les sénateurs ont à cet égard précisé que l’État devra conclure des contrats de service public pour assurer le maintien de dessertes directes par des services TGV sans rupture de charge pour les usagers (i.e. sans transfert des passagers d’un véhicule à un autre sur une même liaison), et que ces contrats de service public pourront inclure des services déficitaires et des services rentables (art. 4).

Cette disposition vise en effet à prévenir les risques d’écrémage qui se traduiraient par une mobilisation des opérateurs privés sur les lignes rentables (la « crème de la crème » du marché) et une augmentation des tarifs. Le sénateur socialiste, Olivier Jacquin, s’est en l’occurrence appuyé sur les conclusions du fameux rapport Spinetta qui aurait proposé « une taxe de péréquation pour que les trains continuent de circuler sur les bouts de ligne et les lignes moins rentables ».

Et Hervey Maurey de rebondir en soulignant que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) « préconise des péages très incitatifs de manière qu'il soit moins cher pour l'opérateur d'affréter son train depuis Paris jusqu'à Chambéry, plutôt que de l'arrêter à Lyon. Cette piste est intéressante mais, pour l'heure, nous ne disposons d'aucune indication, d'aucune étude d'impact ».

Les débats mettent par ailleurs en exergue la fermeté du dispositif visant l’accès des autorités organisatrices de transport (AOT) aux données de SNCF Mobilités (art. 7). L’opérateur est ainsi exhorté à fournir « dans un standard ouvert et réutilisable » (quid de l’intelligibilité d’un tel critère ?) les informations nécessaires aux AOT pour organiser les appels d’offres. Le secret des affaires ne devrait pas y faire obstacle selon les auteurs du texte. Et ce d’autant plus que des garde-fous sont envisagés puisque les données rentrant dans le champ de l’obligation seront précisées par décret en Conseil d’État après avis de l’Arafer. « Le dispositif n’est donc pas incontrôlé », selon Hervé Maurey.

Un sujet éminemment sensible, ainsi que l’a soulevé Elisabeth Borne, et qui sera vraisemblablement amené à évoluer, puisque la transmission des données, ajoute-elle, « ne concerne pas que l’opérateur historique ; toutes les entreprises ferroviaires devront l’accepter ».
 
Source : Actualités du droit