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Modification des concessions : qui dit nouveaux tarifs, dit nouveau contrat ?

Public - Droit public des affaires
21/03/2018
Les tarifs prévus par une concession sont des éléments essentiels du contrat qui ne peuvent être révisés par simple avenant. Telle est la solution retenue le 9 mars 2018 par le Conseil d’État mettant en lumière les paramètres appréciés dans le cadre de l’examen de la portée de telles clauses réglementaires sur l’équilibre économique du contrat.
Par une convention conclue en octobre 2009, le syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel a confié à Véolia Transport l’exploitation des ouvrages et services d’accueil du site touristique. Le contrat a fait l’objet d’un avenant en avril 2013 prévoyant notamment la hausse des tarifs de stationnement des véhicules, une révision tarifaire destinée, selon les motifs de la délibération, à financer le coût de la modification du lieu d’embarquement. 

La commune du Mont-Saint-Michel et la société Sodétour, propriétaire des places de stationnement, ont obtenu en 2015, auprès du tribunal administratif, l’annulation de cette nouvelle grille tarifaire. La Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel a par la suite vu son appel formé contre ce jugement rejeté par la cour administrative d’appel de Nantes.

Le tarif, élément essentiel de l’équilibre économique du contrat…

Saisi du recours en annulation exercé contre cet arrêt, le Conseil d’État commence par indiquer que, eu égard aux principes généraux du droit de la commande publique, « les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, apporter des modifications substantielles au contrat en introduisant des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu conduire à admettre d'autres candidats ou à retenir une autre offre que celle de l'attributaire ; qu'ils ne peuvent notamment ni modifier l'objet de la délégation ni faire évoluer de façon substantielle l'équilibre économique du contrat, tel qu'il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs ». À cet égard, rappelons que ces dispositions, inspirées de la jurisprudence européenne (CJCE, 13 avr. 2010, aff. C-91/08, Wall AG), sont inscrites au 5° de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.

… en particulier en présence d’une concession

La Haute juridiction poursuit en soulignant que « les tarifs sont au nombre des éléments essentiels qui concourent à l'équilibre économique du contrat », et ce nonobstant le caractère réglementaire des clauses tarifaires d'un contrat de délégation de service public. En l’espèce, le juge relève que l’avenant au contrat litigieux prévoyait des hausses de tarifs comprises entre 31 et 48 %, qui allaient très au-delà de la compensation des augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues par ailleurs.
Cette spécificité de l’enjeu tarifaire inhérente aux délégations de service public et, plus largement aujourd’hui, aux concessions de service, est mise en exergue avec beaucoup de pédagogie par le rapporteur public Pellissier, lequel souligne dans ses conclusions que « lorsque, comme en l’espèce, le service concédé est payant pour les usagers, le prix qu’ils paient représente au moins une partie de la rémunération du délégataire, comme le prix versé par la personne publique cocontractante dans un marché public ».  
 
Une forte hausse des tarifs est une modification substantielle

Et le juge d’en inférer qu’une telle intervention sur les tarifs du contrat doit bien être regardée comme une modification substantielle. Le rapporteur public ne manque pas en l’occurrence de rappeler que le caractère réglementaire et détachable des clauses tarifaires « n’autorise pas les parties à s’affranchir de leurs obligations de mise en concurrence ».
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le pourvoi de la société requérante a été rejeté.  

Pour en savoir plus sur les conditions de modification du contrat de concession, v. Le Lamy Droit public des affaires, n° 4280
 
Source : Actualités du droit