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Nouveau coup dur pour la SNCF : l’aide attribuée à son ancienne filiale doit être remboursée

Affaires - Droit économique
Public - Droit public des affaires
21/03/2018
Le 7 mars 2018, la Cour de justice est venue exhorter la France à récupérer l’aide de plus de 642 millions d’euros accordée entre 2001 et 2004 dans le cadre de la restructuration du Sernam, ancienne filiale de la SCNF avant sa privatisation en 2005. L’occasion pour le juge européen d’indiquer que le test de l’investisseur privé n’est pas applicable aux mesures compensatoires qui peuvent être mise en œuvre en cas de sauvetage d'une entreprise.
En 2001, la Commission a autorisé, sous conditions, une aide à la restructuration de 503 millions d’euros en faveur du Sernam, une société de transport express et de colis, alors détenu à 100 % par la SNCF. Constatant que les conditions de cette décision n’avaient pas été respectées et qu’une aide nouvelle et incompatible de 41 millions d’euros avait été accordée, Bruxelles a adopté en 2004 une seconde décision (ci-après « Sernam 2 »). Elle enjoignait l’État à récupérer l’aide et offrait au Sernam la possibilité, soit de se retirer du marché du transport routier, soit de vendre ses actifs en bloc au prix du marché à une société dépourvue de lien juridique avec la SNCF.

Après avoir constaté que la seconde option retenue par la France n’avait pas été respectée, l’exécutif européen a adopté le 9 mars 2012 une ultime décision. Il déclarait que l’ensemble des aides dont le Sernam avait bénéficié, soit un total de 642 millions d’euros, devait être remboursé par la Financière Sernam, qui s’était portée acquéreur des actifs vendus, en raison de la continuité économique existant entre les 2 entités. 
 
Cette posture a été confirmée par le Tribunal de l’Union européenne devant lequel l’opérateur historique avait introduit un recours en annulation de la décision de 2012. Le juge a en effet estimé que la condition de compatibilité de l’aide à la restructuration relative à la vente des actifs en bloc du Sernam n’avait pas été respectée.

Saisie du pourvoi formé par la SNCF, la Cour de justice est venue entériner cette solution en soulignant que la « vente des actifs en bloc » prévue par Sernam 2 devait s’analyser en mesure compensatoire visant l’interruption de l’activité économique de la société afin de prévenir toute distorsion de concurrence inhérente à l’octroi de l’aide à sa restructuration. En d’autre termes, le dispositif aménagé par la Commission avait été détourné de sa finalité.

Et le juge du Luxembourg d’ajouter que le test de l’investisseur privé avisé n’est pas applicable à la mise en œuvre d’une mesure compensatoire.

Rappelons à cet égard que les mesures compensatoires s’analysent fréquemment comme une compensation non des effets défavorables subis par le processus concurrentiel mais du préjudice subi par les concurrents de l’entreprise aidée. Ainsi que le note l’introduction des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration, la Commission exigera des « contreparties pour réduire au minimum les effets sur les concurrents », ce qu’il convient d’interpréter comme « se [traduisant] le plus souvent par une limitation de la présence que l’entreprise [bénéficiaire] peut assumer sur son ou ses marchés à l’issue de la période de restructuration » (cf. Décision de la Commission du 18 février 2004 dans l’affaire C28/02 – Bankgesellschaft Berlin AG, pt. 257 ; v. O. Billard et S. Martin, Les mesures de soutien public aux entreprises en difficulté au regard de la prohibition des aides d’État, RLC 2014/38, n° 2493).  
 
Le critère de l’investisseur privé permet d’établir si les mesures adoptées par l’État membre concerné ont obéi à un critère de rationalité économique, de sorte qu’un investisseur privé pourrait également être en mesure de les accepter.
Source : Actualités du droit