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Le Conseil d’État met sur les rails le pouvoir de collecte de données de l’Arafer

Public - Droit public des affaires
14/03/2018
Le 16 février 2018, le Conseil d’État a rejeté le recours contre la décision de collecte de données dans le secteur ferroviaire adoptée le 13 avril 2016 par l'Arafer. Première occasion pour le juge administratif d’apprécier cette nouvelle prérogative conférée au régulateur ferroviaire par la loi « Macron », la Haute juridiction a également pris soin d'en préciser les contours.
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris – Dauphine


Les juges du Palais Royal avaient déjà eu à connaître d’un pouvoir similaire dévolu à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep - CE, 10 juill. 2013, n° 360397, AT&T Global Network Services France SAS). Ainsi, tout en reconnaissant, comme pour l’Arcep, un caractère réglementaire à la décision de collecte régulière de données édictée par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), la solution du Conseil d’État s’inscrit dans une logique de protection et d’encadrement du pouvoir de collecte.
 
Le régulateur, conforté dans son pouvoir de collecte de données
 
Pour sa première illustration contentieuse, le pouvoir de collecte de données de l'Arafer reçoit du juge administratif une protection pragmatique destinée à favoriser la réalisation par le régulateur de ses objectifs de régulation et la satisfaction de son besoin de connaissance du secteur.

Afin de favoriser l'effet utile du pouvoir de collecte, la Haute juridiction retient une interprétation extensive de la nature des informations pouvant être sollicitées et rejette le moyen selon lequel le pouvoir de collecte se limiterait aux informations statistiques, comme l'énonce le second alinéa de l'article L. 2132-7 du code des transports. Le Conseil d'État relève en effet que ni la rédaction du premier alinéa de l'article L. 2132-7 - qui, seul, fonde la décision attaquée - ni les travaux préparatoires de la loi du 6 août 2015 (L. n° 2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques) ne révèlent une quelconque volonté du législateur de limiter le large pouvoir reconnu au régulateur en restreignant le spectre des informations collectées. Si une interprétation limitant la collecte aux informations statistiques aurait mis fin à l'incertitude des opérateurs quant aux informations concernées, c'eut été au prix d'une connaissance toujours plus précise du marché par l'Arafer, indispensable à sa bonne régulation.

Quelle protection des opérateurs?

Le juge rejette également le moyen selon lequel les informations demandées par l’Autorité porteraient atteinte au secret des affaires. En effet, le dispositif résultant de la combinaison des dispositions du code des transports et du code des relations entre le public et l'administration, empêchant la publication par l'Arafer de secrets protégés par la loi et soumettant ses agents au secret professionnel, constitue selon la Haute juridiction une garantie suffisante de la préservation du secret des affaires lors des opérations de collecte.
 
Dans la droite ligne d’une jurisprudence classique (v. Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, Loi relative à la liberté de communication) limitant le pouvoir réglementaire des autorités de régulation, la Haute juridiction a en effet soumis ce pouvoir réglementaire de collecte des données à une exigence de proportionnalité, afin de s’assurer qu’il ne fasse pas « peser une charge excessive sur les opérateurs ». La proportionnalité des obligations imposées par la décision de collecte doit ainsi être appréciée au regard de son utilité pour « l'accomplissement des missions » de l'Arafer , du nombre raisonnable des informations à transmettre, de la complexité de leur transmission et de la fréquence de transmission exigée.
 
Enfin, ne relevant pas de motifs tenant à la sécurité juridique de nature à permettre l'identification d'une atteinte excessive aux intérêts en cause ou à justifier l'édiction de mesures transitoires, le Conseil d'État entérine le délai de deux mois laissé aux opérateurs pour répondre à la demande de collecte.
 
 
Source : Actualités du droit