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Les clauses d’interprétariat volent la vedette à la clause « Molière »

Public - Droit public des affaires
06/12/2017
On attendait avec impatience que la tant controversée clause « Molière » finisse par atteindre le prétoire du Palais-Royal. Mais le dernier acte qui vient de se jouer le 4 décembre sonne comme un coup de théâtre en demi-teinte puisque les « clauses d’interprétariat » qui ont reçu l’« extrême-onction » du Conseil d’État « ne doivent pas être confondues » avec celles qui visent à imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers.
D’aucuns auraient pu croire en effet que ce nouveau rebondissement sonnerait le glas du dispositif et ce faisant jugulerait la pugnacité des élus locaux les plus mobilisés contre le travail détaché. Car si la clause litigieuse ne fait qu’exhorter les entreprises candidates à recourir à un interprète, la frontière reste poreuse entre les deux mécanismes d’après les conclusions du rapporteur public, Gilles Pellissier.

C’est en l’occurrence la procédure lancée par la région Pays de la Loire en vue de la passation d’un marché public de travaux pour la réfection d’un lycée qui a fait l’objet du litige porté devant le Conseil d’État. Les documents du marché imposaient aux candidats de prévoir le recours à un interprète pour exposer les droits sociaux dont disposent les travailleurs et les règles de sécurité à respecter sur les chantiers. Considérant que de telles exigences constituaient une entrave à la libre concurrence, le préfet de région a formé un référé précontractuel avant la date limite de remise des offres. À la suite du rejet de cette demande, le ministre de l’Intérieur s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du juge des référés.

Une clause fondée sur l’obligation de vigilance du maître d’ouvrage

Les juges du Palais-Royal commencent par planter le décor en restituant le cadre réglementaire de protection des travailleurs détachés inhérent notamment à la fameuse directive de 1996, dont la révision en octobre dernier avait fait couler beaucoup d’encre. Ils citent au passage la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale qui instaure une obligation de vigilance et de responsabilité du maître d’ouvrage en matière d’application de la législation du travail.

L’exigence d’un lien suffisant avec l’objet du marché…

La clause litigieuse est par ailleurs examinée à l’aune de l’article 38 de l’ordonnance « marchés publics » du 23 juillet 2015 qui pose une exigence de cohérence entre les conditions d’exécution d’un marché posées par l’acheteur et son objet. Et le Conseil d’État d’en inférer que « l’intervention d’un interprète qualifié peut être demandée, aux frais du titulaire du marché, afin que la personne publique responsable puisse s’assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, quelle que soit leur nationalité, comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales » et « qu’une telle clause présente un lien suffisant avec l’objet du marché de travaux publics » prévu par la collectivité (v. à cet égard Le Lamy Droit public des affaires 2017, n° 3241).

…et d’un interprète qualifié !

La Haute juridiction prend soin de baliser le dispositif « dont la mise en œuvre par le maître d’ouvrage ne doit pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché », exigeant par ailleurs le recours à un « interprète qualifié, c’est-à-dire toute personne en mesure d’expliquer aux travailleurs concernés leurs droits sociaux essentiels ».
 
Source : Actualités du droit