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Les Etats membres ne sont pas tenus d'accorder un visa humanitaire pour permettre une demande d'asile

Public - Droit public général
09/03/2017
Les Etats membres ne sont pas tenus, en vertu du droit de l'Union européenne, d'accorder un visa humanitaire aux personnes qui souhaitent se rendre sur leur territoire dans l'intention de demander l'asile, mais ils demeurent libres de le faire sur la base de leur droit national. Ainsi statue la Cour de justice de l’Union européenne dans une décision rendue le 7 mars 2017.
 
Dans cette affaire, un couple syrien et leurs enfants mineurs avaient introduit des demandes de visas humanitaires à validité territoriale limitée auprès de l'ambassade de Belgique à Beyrouth, sur la base du Code des visas de l'Union européenne (Règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009). Ils souhaitaient quitter la ville d'Alep dans le but d'introduire une demande d'asile en Belgique. L'un d'eux déclarait, notamment, avoir été enlevé par un groupe armé, battu et torturé, avant d'être finalement libéré contre une rançon. Ils insistaient particulièrement sur la dégradation de la situation sécuritaire en Syrie en général et à Alep en particulier, ainsi que sur le fait qu'ils risquaient d'être persécutés en raison de leurs croyances religieuses. En octobre 2016, l'Office des étrangers belges a rejeté leurs demandes estimant que, en sollicitant un visa à validité territoriale limitée pour introduire une demande d'asile, la famille avait manifestement l'intention de séjourner plus de 90 jours en Belgique, ce qui était contraire au Code des visas de l'Union européenne. En outre, l'Office soulignait qu'autoriser la délivrance d'un visa d'entrée à cette famille afin qu'elle puisse introduire une demande d'asile reviendrait à lui permettre de former une demande d'asile auprès d'un poste diplomatique. La famille syrienne conteste cette décision soutenant que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) prévoient une obligation positive pour les Etats membres de garantir le droit à l'asile. L'octroi d'une protection internationale serait le seul moyen d'éviter le risque de violation de l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le Conseil du contentieux des étrangers décide, en urgence, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur la marge d'appréciation dont peuvent bénéficier les Etats membres.
 
La CJUE estime que, même si ces demandes ont été formellement introduites sur le fondement du Code des visas, elles ne relèvent pas de son champ d'application mais du droit national. Les dispositions de la Charte ne sont donc pas applicables. Selon la Cour, permettre à des ressortissants de pays tiers d'introduire des demandes de visa afin d'obtenir le bénéfice d'une protection internationale dans l'Etat membre de leur choix, porterait atteinte à l'économie générale du système institué par l'UE pour déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale (Règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013).

Par Marie Le Guerroué

 
Source : Actualités du droit