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Majoration de retraite pour avoir élevé trois enfants : quid des enfants du concubin ?

Public - Droit public général
21/04/2021
Dans un arrêt du 21 avril 2021, le Conseil d’État confirme la différence de traitement entre les enfants du conjoint et ceux du concubin dans le calcul de la majoration de pension de retraite pour les fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants. Les enfants du concubin peuvent donner droit à la majoration à la condition de justifier par tout moyen d’en avoir assumé la charge effective et permanente.
Un attaché principal d’administration hospitalière demandait une majoration de sa pension de retraite pour avoir élevé au moins trois enfants : deux enfants qu’il avait eus avec sa concubine, et l’enfant de sa concubine issu d’une précédente union. Il se pourvoit en cassation contre le jugement lui ayant refusé le bénéfice de la majoration.
 
Titulaire ayant élevé au moins trois enfants
 
Les règles applicables à la situation du requérant, attaché principal d’administration hospitalière et dont les droits ont été liquidés par la caisse de retraite des agents des collectivités locales, se trouvent dans le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003.
Ce texte prévoit le bénéfice de cette majoration « aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants ». Il est précisé que le droit à la pension est ouvert :
  • aux enfants du conjoint issus d’un mariage précédent,
  • aux enfants naturels dont la filiation est établie,
  • aux enfants adoptifs,
  • aux enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie en avoir assumé la charge effective et permanente. Le décret du 26 décembre 2003 ajoute que la nécessité de justifier cette charge par « la production de tout document administratif établissant qu'ils ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu ».
Une condition est ajoutée : les enfants doivent avoir été élevés pendant au moins neuf ans.
 
En l’espèce, le couple n’étant pas marié mais vivant en concubinage, le troisième enfant n’était pas « un enfant du conjoint » mais un « enfant recueilli à son foyer par le titulaire de la pension ». Le requérant devait donc produire des documents justificatifs, alors que cette obligation n’existe pas pour les couples mariés. Selon lui, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi garantie par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
 
Mariage, concubinage et principe d’égalité devant la loi
 
Le Conseil d’État rappelle que « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».
 
Il vient rappeler la définition du concubinage, prévue à l’article 515-8 du code civil, et les différences avec le mariage, qui organise les obligations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux et assure la protection de la famille. Il considère ainsi que la différence de traitement entre les conjoints et concubins est justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la norme.
 
Toutefois, la Haute cour considère que par les documents demandés pour justifier avoir assumé la charge effective et permanente de l’enfant du concubin, l’article 24 du décret du 26 décembre 2003 institue entre conjoints et concubins une différence de traitement illégale.
 
Preuve par tout moyen
 
En effet, le concubin devait justifier que l’enfant avait été retenu « pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu ». Ces dispositions méconnaissent donc le principe d’égalité en interdisant l’établissement par tout moyen de la charge effective et permanente de l’enfant du conjoint.
 
En l’espèce, la Haute cour considère toutefois que le requérant n’avait pas justifié par tout moyen avoir assumé la charge du fils de sa concubine, en produisant « une carte SNCF famille nombreuse, une déclaration en vue du rattachement des membres de la famille des assurés pour le bénéfice de l'assurance maladie et maternité, un contrat de location conventionné, ainsi que des factures d'électricité et de gaz établies au nom du couple mais sans apporter la preuve qu'il ait participé au règlement de ces dépenses ».
Source : Actualités du droit