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Signalement au SIS : un titre de séjour peut tout de même être délivré, prolongé ou renouvelé

Public - Droit public général
29/03/2021
L’article 25 de la Convention d’application Schengen (CAAS) ne fait pas obstacle à ce qu’une réglementation nationale permette la délivrance, la prolongation ou le renouvellement d’un titre de séjour aux fins de regroupement familial d’un étranger signalé aux fins de non-admission au système d’information Schengen (SIS) par un autre État membre et dont l’identité n’a pu être établie avec certitude par un document de voyage.
Un ressortissant gambien a reçu un titre de séjour temporaire délivré par les autorités suédoises, au titre du regroupement familial. Il en a demandé le prolongement, ce qui lui a été refusé. Ce rejet s’appuie sur les informations obtenues par l’Office des migrations suédois : en Norvège, le requérant avait fait l’objet d’un placement en rétention après avoir fait usage de plusieurs identités d’emprunt, il avait été condamné pour détention et vente de stupéfiants et avait été expulsé à titre définitif avec interdiction du territoire. Il a donc fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non admission dans l’espace Schengen. En outre, divorcé de son épouse de nationalité suédoise, le requérant vit en concubinage avec une ressortissante norvégienne avec laquelle il a eu deux enfants.
La juridiction de renvoi saisie décide de sursoir à statuer afin de saisir la CJUE d’une question préjudicielle : les dispositions de la Convention d’application de l’Accord Schengen (CAAS) et le Code des frontières s’opposent-ils à une réglementation nationale qui permettrait d’accorder un titre de séjour à un ressortissant d’un pays tiers dont l’identité n’est pas établie et la demande de séjour non fondée sur des circonstances humanitaires ou des motifs de protection ?
 
La CJUE rappelle les conditions de délivrance d’un titre de séjour au sein de l’UE : l’État membre concerné doit interroger le SIS (système d’information Schengen) afin de s’assurer que le demandeur n’a pas fait l’objet d’un signalement dans l’espace Schengen. Et si tel est le cas, l’État membre ne peut lui accorder un titre de séjour que pour des motifs d’ordre humanitaire ou résultant d’obligations internationales (CAAS, art. 25). Mais il ne s’agit pas pour autant de mettre en place un système automatique de rejet dès lors qu’un étranger est signalé, souligne la Cour. Une fois que l’État membre concerné a pris en compte les intérêts de l’État membre signalant (principe de coopération loyale), il lui appartient souverainement, de délivrer un titre de séjour à l’étranger pour des « motifs sérieux ». Et les deux motifs précités ne sont pas pour autant limitatifs, le respect des droits fondamentaux tels que le droit au respect de la vie familiale et les droits de l’enfant, entrent dans cette catégorie de motifs sérieux.
 
Les dispositions de l’article 25 de la CAAS ont vocation à s’appliquer tant pour les demandes de délivrance d’un titre de séjour que pour les demandes de prolongation ou de renouvellement de titre de séjour. La procédure de coopération loyale entre États membres doit être utilisée dans chacune de ces hypothèses. Enfin, la Haute juridiction européenne relève que le Code des frontières régit la question de l’étranger franchissant des frontières extérieures à l’UE pour séjourner moins de 90 jours dans l’espace Schengen, à condition d’être en possession d’un document de voyage, et non la question propre au présent litige. En effet, le Code des frontières ne règle pas la question de l’étranger déjà présent sur le territoire d’un État membre qui dispose d’un titre de séjour au titre du regroupement familial.
 
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les dispositions de la CAAS et du Code des frontières ne font pas obstacle à ce qu’une réglementation nationale permette la délivrance, prolongation ou le renouvellement d’un titre de séjour à un étranger ayant fait l’objet d’un signalement au SIS aux fins de non-admission dans l’espace Schengen. Même si cet étranger ne dispose pas d’un document de voyage permettant d’établir de façon certaine son identité. Les intérêts de l’État membre signalant, consulté préalablement, doivent avoir été pris en compte et le titre de séjour ne doit avoir été délivré, prolongé ou renouvelé que pour des motifs sérieux, selon la CJUE.
 
Source : Actualités du droit