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Sanction disciplinaire : le Conseil d’État rappelle le droit à la communication du dossier

Public - Droit public général
03/02/2021
Dans un arrêt rendu le 28 janvier, le Conseil d’État rappelle que l’agent doit recevoir communication du rapport sur le fondement duquel a été prise la sanction disciplinaire, y compris les procès-verbaux d’audition des témoins.
Un fonctionnaire, inspecteur général de la jeunesse et des sports de 1re classe, a exercé les fonctions de directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) et fait face à des accusations de prise en charge par l’INSEP de frais de séjour à Rio de Janeiro à l’occasion des Jeux olympiques de 2016. Il avait en effet fait prendre en charge par l’établissement les frais d’hébergement et de billetterie de neuf personnes extérieures à l’établissement, dont ses deux filles. À l’issue d’une enquête sur ces faits, l’agent a été placé à la retraite d’office à titre de sanction. Il demande au Conseil d’État l’annulation de cette sanction.
 
La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si le requérant avait reçu la communication du dossier qui avait fondé la sanction de mise à la retraite. L’agent soutenait en effet n’avoir jamais été mis en mesure de présenter sa défense, faute d’avoir eu accès à son dossier, et notamment aux procès-verbaux des personnes auditionnées.
 
Communication des procès-verbaux des auditions
 
La Haute cour avait jugé, un an avant sa décision du 28 janvier, que « les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont [l’agent] doit recevoir communication », soulevant toutefois une exception, à savoir lorsque « communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné » (CE, 5 févr. 2020, n° 433130, voir l’actualité Fonction publique : précisions sur le droit à la communication du dossier). Les procès-verbaux entrent donc dans les pièces que l’agent est en droit d’obtenir en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.
 
Dans la présente affaire (CE, 28 janv. 2021, n° 435946), la Haute cour rappelle qu’en application de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, le fonctionnaire « a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes ».
 
En l’espèce, elle juge que lorsqu’une enquête a été diligentée, « le rapport établi à l’issue de cette enquête, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent (…) font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication ». Reprenant la position exprimée un an plus tôt (CE, 5 févr. 2020, n° 43310), le Conseil ajoute l’exception du risque de préjudice grave porté aux témoins.
 
Le Conseil d’État note que le requérant avait bien eu communication du rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports ainsi qu’un rapport de la Cour des comptes sur l’INSEP. Toutefois, il n’a pas eu communication des pièces énumérées en annexe du premier rapport, dont des procès-verbaux d’auditions, alors même que son avocat les avait sollicitées.
 
Privation d’une des garanties de la procédure disciplinaire
 
La Haute cour considère que le requérant était bien en droit d’obtenir ces pièces en application de l’article 19 du titre I du statut de la Fonction publique, et qu’en n’ayant pas reçu communication de ces éléments, il a été « privé d’une des garanties de la procédure disciplinaire », et est donc « fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée a été prise au terme d’une procédure irrégulière ». Le Conseil considère toutefois que l’agent ne pouvait obtenir les procès-verbaux s’agissant du second rapport mentionné, établi par la Cour des comptes, ce rapport portant « de manière générale sur le fonctionnement de l’INSEP ».
 
Le Conseil annule pour excès de pouvoir le décret ayant prononcé la sanction à l’égard du fonctionnaire et enjoint au ministre de l’Éducation nationale une réintégration dans un délai d’un mois.
Source : Actualités du droit