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Covid-19 : annulation des restrictions à la liberté de manifester

Public - Droit public général
20/01/2021
Dans un arrêt rendu le 15 janvier, le Conseil d’État vient confirmer sur le fond les ordonnances en référé rendues en juin et juillet 2020 par lesquelles il avait suspendu certaines restrictions à la liberté de manifester édictées dans le cadre des mesures de lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Le Conseil d’État, par un arrêt du 15 janvier 2021, (CE, 15 janv. 2021, n° 441265), vient réaffirmer l’importance de la liberté de manifester.
 
Pour rappel, la Haute cour avait dans un premier temps (CE, ord., 13 juin 2020, nos 440846, 440856 et 441015), suspendu l’interdiction générale et absolue de manifester qui découlait de l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes dans l’espace public (voir actualité du 16 juin 2020, Covid-19 : l’interdiction de manifester suspendue par le Conseil d'État). Le Gouvernement avait ensuite modifié le décret litigieux du 31 mai 2020 en prévoyant que les manifestations étaient soumises à l’autorisation du préfet.
 
Par la suite, dans une ordonnance du 6 juillet 2020 (CE, 6 juill. 2020, n° 441257), le Conseil d’État avait suspendu l’obligation d’obtenir une autorisation avant l’organisation d’une manifestation, mesure imposée par l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (voir actualité du 10 juillet 2020, Covid-19 : l’obligation d’obtenir une autorisation avant d’organiser une manifestation est suspendue). Le Conseil avait considéré cette mesure disproportionnée au regard de l’objectif de préservation de la santé publique, car les manifestations sont déjà soumises à déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure.
 
Dans son arrêt rendu le 15 janvier 2021, la Haute cour tranche le litige sur le fond et confirme la position du juge des référés.
 
Régime d’autorisation ou régime de déclaration
 
Le Conseil rappelle qu’en application de l’article 3 du décret du 31 mai 2020, dans sa version alors en vigueur « Tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l'ensemble du territoire de la République. Lorsqu'il n'est pas interdit par l'effet de ces dispositions, il est organisé dans les conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er ».
 
L’article 3 du décret avait ensuite été modifié afin de permettre des manifestations après autorisation : « (...) toutes les manifestations sur la voie publique (…) sont autorisés par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect des dispositions de l'article 1er du présent décret. Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, les organisateurs de la manifestation adressent au préfet du département sur le territoire duquel celle-ci doit avoir lieu la déclaration prévue par les dispositions de l'article L. 211-2 du code de la sécurité intérieur (…). Cette déclaration tient lieu de demande d'autorisation ». Le régime de déclaration avait donc été transformé en régime d’autorisation.
 
Atteinte ni nécessaire, ni adaptée ni proportionnée à la liberté de manifester
 
Dans son arrêt du 15 janvier, le Conseil déclare que le Gouvernement ne pouvait pas subordonner les manifestations à un régime d’autorisation dans le cadre pouvoirs qu'il tient du 6° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, même si ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 11 mai 2020, lui permettaient de réglementer les rassemblements sur la voie publique.
 
Il déclare également que l’interdiction de tout événement de plus de 5000 personnes prévue par l’article 3 du décret du 31 mai 2020, du fait de son caractère général et absolu, « ne peut être regardée, bien que temporaire, comme une mesure nécessaire et adaptée et, ainsi, proportionnée à l'objectif de préservation de la santé publique qu'elle poursuit ». Il justifie ceci par deux éléments :
— d’une part les manifestations sont déjà soumises à une obligation de déclaration préalable et susceptibles d’être interdites ;
— d’autre part, les dispositions prévoient un seuil dont le respect ne peut être vérifié pour les manifestations sur la voie publique.
 
Par conséquent, la Haute cour déclare que les dispositions litigieuses portent une atteinte qui n’est ni nécessaire, ni adaptée ni proportionnée à la liberté de manifester et fait droit à la demande des requérants en annulant le régime d’autorisation et la limitation du nombre de manifestants à 5 000 personnes, alors prévus par l’article 3 du décret du 31 mai 2020 (le texte ayant été abrogé au 10 juillet 2020).
Source : Actualités du droit